Histoire

  • Canton de Marennes
  • Arrondissement de Rochefort
  • Superficie : 1 450 ha
  • Population 2021 (en vigueur au 1er janvier 2024) : 798 hab.
  • Habitants : les Beaugeatins et Beaugeatines
  • Cours d ‘eau : le canal Charente-Seudre

Origine du nom : peut-être une francisation du latin bellum jugum« beau sommet »

L’actuel village de Beaugeay est situé sur le plateau calcaire d’une presqu’île de l’Ancien Golfe de Saintonge, aujourd’hui marais de Brouage, comblé par des alluvions fluvio-maritimes et des vases. Le site protohistorique de La Merlauderie ainsi que l’existence de plusieurs sites à sel et de différents importants artefacts gallo­ romains témoignent d’une occupation ancienne du territoire. Sous l’Ancien Régime, le village de Beaugeay fait partie de l’ancienne seigneurie de Soubise dont les plus importants seigneurs sont les Parthenay-Larchevêque au Moyen- Âge puis les Rohan-Soubise à partir de 15 75. Du XI’ au XIX’ siècle, le marais est exploité principalement pour produire du sel. Mal entretenus aux XVII et XVlll’ siècles, les marais deviennent pestilentiels et insalubres ; ils servent alors surtout au pâturage sur des terrains appelés << marais gâts ».

Puis, le marais est assaini entre Seudre et Charente, dans la seconde moitié du XVIII’ siècle, sous l’impulsion de l’Intendant de La Rochelle, Guéaux de Reverseaux, porté par le courant physiocrate. Celui-ci réalise d’importants travaux, notamment le creusement du grand canal de Saint-Agnant, qui traverse le marais de Beaugeay, et celui de Broue. Reversaux ayant été guillotiné en 1794, le marais est de nouveau laissé à l’abandon.

Ce n’est qu’au XIX’ siècle, sur l’initiative du nouveau sous-préfet de Marennes, Charles Esprit Le Terme, qu’il est repris en main efficacement : creusement de canaux, installation d’écluses, création des syndicats de marais et publication de règlements permettent alors l’assainissement du marais et surtout une meilleure maîtrise du niveau des eaux. Rendu ainsi à l’agriculture, le marais est reconquis et voué à l’élevage.

Église SAINT-GERMAIN (XIe, XIIe, XIIIe et XVIIe siècles Moellon et pierre de taille calcaire, rue de l’Église)

Cette église a été très remaniée. De la construction du XIe siècle, seul subsiste un doubleau en plein cintre outrepassé, appuyé sur deux piliers massifs flanqués de colonnes engagées.

La nef en plein cintre, construite un siècle plus tard, a été enrichie d’un chœur gothique et de deux transepts au cours du XIIIe siècle.

Après les guerres de Religion, l’église a fait l’objet de travaux importants. Sa façade est surmontée d’un clocher peigne sur lequel est juché un coq. La porte d’entrée carrée est surmontée d’une fenêtre cintrée et enserrée entre deux gros contreforts d’angle.

PORTE DE LA SACRISTIE (XVIIe siècle – Bois – Église St Germain)

La sacristie, accolée sur la partie nord du chœur de l’église, est percée d’une porte en partie ouvragée et peinte de couleur ocre.

Elle date de l’époque des reconstructions effectuées après les guerres de Religion et la Contre-Réforme.

INSCRIPTION 1678 Pierre de taille – Église St Germain.

Une pierre située au sommet de la colonne nord-ouest à l’entrée du transept sud est gravée de l’inscription suivante « cette église a été réédifiée par M. G. Bompas curé en l’an 1678 ».

Il s’agit du prêtre de la paroisse Saint-Germain de Beaugeay, qui a notamment rédigé entre 1664 et 1685 la liste des abjurations extorquées sur la paroisse.

Cette inscription fait référence à certains travaux de réfection réalisés dans l’église à la suite des guerres de Religion.

Retable (XVllle et XIXe siècles – Peinture sur bois – Église St Germain)

Dans le chœur de l’église, sur le mur droit du chevet, se dresse un grand tableau derrière le maître-autel. Figurant saint Joseph, cette peinture sur bois a sans doute été installée là après les réfections de l’église.

Balustre de communion (XIXe siècle – Bois – Eglise St Germain)

Le balustre d’appui de communion sépare le transept du chœur de l’église. Cet élément de décor intérieur qui servait à clôturer le chœur est assez commun au XIXe siècle. Il est aujourd’hui très abîmé.

Vêtements ecclésiastiques (XXe siècle – Tissus – Sacristie, église Saint-Germain)

ble de la sacristie conserve quatre ensembles de vêtements ecclésiastiques, rangés à plat.  À cette époque, déjà, le curé de Beaugeay desservait également plusieurs paroisses alentour.

Registre d’abjurations (1664 -1685 – Papier – Mairie)

Au XVI’ siècle, les guerres de Religion ravagent le pays. Comme dans la plupart des paroisses situées dans la seigneurie de Soubise, les habitants de Beaugeay se convertissent massivement au protestantisme. Comme en témoigne l’acre d’abjurations des habitants du village, intitulé « Mémoire de ceux qui ont fait abjuration de l’hérésie en la paroisse de Saint­ Germain de Beaugeay depuis l’année 1664 », un grand nombre d’entre eux sont progressivement poussés à renoncer à leur religion. Ce document de 6 pages rédigé par le curé du village énumère les noms des nouveaux convertis de septembre 1664 à novembre 1685

Maison et écluse (Début du XIXe siècle – Calcaire – Les Écluses)

La maison qui servait de logement à l’éclusier est aujourd’hui désaffectée ; elle a été restaurée en 2001 dans le cadre d’un programme de rénovation du patrimoine rural.

Cadastre (1825 – Papier – Mairie)

Le cadastre de Beaugeay a été établi sous l’administration du préfet Nugont, sous la direction de M Le Chef d’Argenton, directeur des contributions directes ainsi que de M Fontaine, géomètre en chef, et dessiné par M. Emas, géomètre. Ce cadastre en couleur est particulièrement riche en information sur l’état du marais au début du XIXe siècle, après les importants travaux réalisés sur l’initiative du sous-préfet de Marennes qui ont relancé l’exploitation économique du marais

Tombeau de la famille VIEULLE (XIXe siècle – Pierre de taille calcaire – Ancien cimetière)

Erigé devant l’église, le caveau de la famille Vieulle est le seul à n’avoir jamais été déplacé lors du transfert de l’ancien cimetière.

Approche de l’histoire de l’église Saint-Germain de Beaugeay et de son site.

Contrairement aux grandes cités notoires qui n’en finissent pas d’occuper et de réjouir les historiens, peu d’éléments permettent à un petit village de reconstituer son existence avant les bouleversements politiques et administratifs de la Révolution et de l’Empire, c’est-à-dire avant la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe. A partir de ce moment-là, les délibérations des conseils municipaux et la presse plus répandue et plus bavarde peuvent nous apporter un éclairage plus complet sur la vie de ces bourgades.

Mais qu’en est-il avant la Révolution, pour le Moyen-Age et les derniers siècles de l’Ancien Régime ?

Pour que l’on parle d’une localité sur le plan historique, il faudrait que celle-ci ait été le siège imprévu de grandes batailles, d’actes déterminants sur le plan politique ou religieux, ou qu’elle ait donné son nom à un illustre personnage du Royaume parce que située sur le domaine de ce notable.

A défaut d’une telle renommée, les villages peuvent avoir laissé une trace dans les documents qu’établissaient seigneuries et abbayes pour préciser l’origine et la description de leurs propriétés foncières. Sur ces titres, peuvent être cités le nom de paroisses rurales situées sur leurs domaines.

D’autres pièces, administratives, fiscales, ou judiciaires peuvent apporter des renseignements complémentaires. Mais faut-il que tous ces documents puissent encore exister, sauvés de destructions diverses dues aux guerres, aux incendies, aux négligences.

De ces facteurs de notoriété, de ces sources d’information, peu de choses en ce qui concerne Beaugeay, au nombre de ces milliers de villages peu prolixes sur leur histoire ancienne.

En conséquence, les témoignages qui subsistent n’ont que plus de valeur pour ceux que le passé du lieu intéresse.

C’est le cas des minutes notariales et registres paroissiaux. Ces derniers constitués au milieu du XVIe sur ordonnance du Roi sont retrouvés à Beaugeay à partir de 1660. Ils ont leur importance. Ils nous renseignent sur la population d’autrefois, ses activités, ses fluctuations. Ils sont un domaine de recherches pour le généalogiste et le démographe.

Mais on aurait tort de limiter leur intérêt à ces seuls domaines. Parfois, des informations supplémentaires inscrites en pointillé dans le temps par le rédacteur des actes, apportent un éclairage unique et inattendu sur certains aspects de la vie du village, même s’il concerne seulement quelques séquences du passé.

Dans le domaine des beaux-arts, sont intéressantes les informations parfois consignées par le curé du lieu et concernant les aménagements apportés à son église.

Ainsi en est-il d’une précision apportée par Gilles Bompas, le premier des trois Bompas qui, de 1660 env. à 1725, ont desservi la paroisse de Beaugeay. Celui-ci fait état le 10 juillet 1678, d’une « réédification de l’église ».

Mais avant de conjecturer autour de cet acte final, on peut essayer d’évoquer l’histoire de cette petite église rurale, émouvante dans sa simplicité et celle de son emplacement sur l’actuel lieu-dit « Le Bourg ».

Souvent, les édifices religieux de culte chrétien étaient établis sur des sites privilégiés en hauteur notamment.

A Beaugeay, on n’a pas choisi le point le plus élevé. La Tour à 16 m, la pointe du Ras à 12 rn, ont une cote supérieure. Il faut peut-être chercher ailleurs les raisons du choix du site appelé de nos jours « Le Bourg ».

Pour cela, il faut remonter le temps et nous placer autour des débuts de l’ère chrétienne, c’est-à-dire de notre ère commençant avec la date officialisée de la naissance de J.-C. il y a 2015 ans…

Cette période, avant et après le début de l’ère chrétienne, est une période charnière.

Sur le plan historique, elle correspond à la fin de l’époque gauloise commencée plusieurs siècles auparavant sur notre sol et terminée par l’invasion romaine en- 52 av. J.-C. Elle marque le début de la période gallo-romaine transformant la région en province conquise et placée sous l’influence de Rome pour près de 5 siècles après J.-C (jusqu’en 476).

Sur le plan géographique, c’est une phase importante de l’évolution du relief local.

A cette période, plus précisément au IIe siècle avant J.-C., la grande dépression, ceinturée de coteaux, que nous appelons actuellement le marais avait un tout autre aspect. Elle était alors recouverte par la mer sur toute sa surface et les Romains l’ont appelée « le Golfe de Santons ».

Le niveau marin était alors à son maximum avant que ne commence l’inexorable régression des eaux poursuivie lentement tout au long du Moyen-Age et au-delà. Dans ce contexte de niveau marin maximum, les coteaux descendaient sur la mer et l’espace correspondant au Beaugeay actuel était alors l’extrémité d’une grande presqu’île dont le dessin ciselé ménageait baies et criques.

Si l’on regarde d’un peu plus près la localisation du site qui nous intéresse, on peut remarquer que cette situation est privilégiée : abritée et protégée.

Le lieu en retrait vers l’est ne subit pas de plein fouet les vents et les tempêtes de l’ouest.

A l’arrière de la presqu’île, il est également à l’abri d’éventuelles incursions venues du large, également par l’ouest. Repérés peu après leur entrée dans le Golfe à partir des hauteurs appelées plus tard « la Tour », des visiteurs supposés hostiles devaient encore, pour arriver sur le site, contourner le cap et doubler au niveau du Peu, de Cayolle et du Grand Jard actuels, d’autres éventuels points de surveillance.

Ce lieu constituait, d’autre part, un excellent poste de contrôle à l’entrée d’une crique profonde, s’allongeant à l’intérieur des terres à l’abri des tempêtes du large et des vents du nord, en bas de St-Martin et de la Sauzaie jusqu’aux Sablières.

On peut imaginer sur les pentes douces de ce lieu tranquille et abrité, les pêcheurs gaulois s’affairant sur le rivage à remonter leurs barques, ou à extraire le sel selon la méthode primitive qui consistait à recueillir le produit après évaporation de l’eau de mer chauffée dans des poteries affectées à cet usage. Une source d’eau douce complétait ce tableau tout à fait favorable à la sédentarisation.

Les récentes fouilles effectuées sur le site (près de l’église actuelle) mais seulement en surface, permettent dès ce premier stade des travaux de confirmer l’existence d’un habitat datant de cette période, donc vieux de plus de 2000 ans. Cette ancienneté ne doit cependant pas surprendre.

Sur le coteau d’en face, le dolmen de la Sauzaie atteste une présence humaine locale beaucoup plus ancienne puisque sa construction remonte à plusieurs millénaires avant J.-C. Ces mêmes populations subirent l’invasion des Celtes venus d’Europe Centrale seulement quelques siècles avant J.-C.

Pour les Celtes installés sur notre sol (la France actuelle), on a retenu le nom de « Gaulois ». Ils étaient arrivés par vagues successives de tribus. Dans la région s’était établie celle des Santons.

Et si nos Santons de la presqu’île ont disposé du dolmen local pour la célébration de leur culte celte druidique, il s’agit d’une réutilisation à leurs fins propres. Ils n’ont pas construit l’édifice, déjà en place depuis longtemps.

La mer poursuit sa régression commencée un peu avant l’ère chrétienne.  Selon une boutade, elle a eu peur des conquérants romains et elle s’est sauvée.

De plus en plus donc, elle s’éloigne des coteaux qui auparavant bordaient le Golfe des Santons.

A la fin de la 1ère moitié du Moyen-Age, dès avant le Xe, selon R. Regrain* le rivage devait s’appuyer à l’ouest d’une ligne passant schématiquement par Loubresse, la pointe sud de la presqu’île de Beaugeay, Malaigre, le confluent du chenal de Etourneaux avec le Havre de Brouage, et Hiers.

* R. Regrain:  « Géographie physique et télédétection des marais charentais », 1980. (2) Cf. J. Duguet : « Roccafortis » Janvier 2004.

Entre cette ligne de rivage et les coteaux du continent, elle avait laissé des terrains neufs composés, sur plusieurs mètres d’épaisseur, de sédiments marins appelés le bri.

Les surfaces nouvellement dégagées restaient parcourues par un important réseau ramifié de cours d’eaux naturels reliés à des chenaux rejoignant la mer. Dans ce réseau hydrographique, le flot marin remontait à chaque marée. Le retrait de la mer avait dégagé, parmi d’autres, un chenal plus important que les textes anciens ont appelé « le chenal de St-Agnant ». Le cours d’eau arrivait des coteaux sur le marais par un passage entre les Caffaudières et St-Satumin. Il était alimenté surtout par la Fontaine Charles (au pied du pont actuel de St-Agnant) et continuait sa course pour se perdre dans le cours moyen d’une vallée alors sous-marine qui, une fois découverte au cours des siècles suivants, prendra le nom de Havre de Brouage.

De ce chenal au lit remanié, de la fin XVIIIe   à 1804, par les travaux de creusement des canaux de la Bridoire et du Moulin du Port, il ne reste qu’une partie naturelle, « d’origine » : c’est le canal de la Prée bordant la paroisse de Beaugeay, dès le Moyen-Age. Cette limite sud a été conservée lorsqu’à la Révolution la paroisse est devenue commune.

Ce paysage neuf « sorti des eaux » fut à l’origine de l’essor économique local qui ira grandissant après le Xe siècle. Il s’agit de la production de sel marin.

Les méthodes gauloises primitives d’extraction par le chauffage de l’eau de mer furent abandonnées. Le nouveau procédé consistait à retenir l’eau des marées dans des bassins aménagés dans les vases du bri par les nouveaux sauniers. Les salines étaient de petite superficie, limitées au hasard de nombreux ruissons et chenaux naturels. Au milieu des salines, d’autres petites surfaces ne furent pas utilisées pour la production du sel. Elles recevaient les eaux pluviales et ont pu servir de terres de culture pour les sauniers, de pacage pour les animaux de charroi, de jonchères et roselières, autant d’éléments utiles à la vie quotidienne des habitants.

De quand date cette seconde forme d’extraction du sel dans les marais salants ?

La tradition ou légende la fait remonter à l’occupation des lieux par les Romains. Ceux-ci pratiquaient eux-mêmes cette méthode sur les rives méditerranéennes de leur Empire et l’auraient transmise à leurs sujets gallo-romains*.

Comme actuellement une association rétaise l’enseigne aux autochtones des côtes tropicales de l’Afrique de l’ouest qui jusque-là pratiquaient l’extraction du sel comme nos ancêtres santons.

La plus ancienne mention des salines du Golfe est contenue dans un écrit du roi Dagobert au XIIe.  Il est question « de terres assises aux Marennes pour le fait de salines », confisquées aux enfants du duc d’Aquitaine.

Si l’on observe la position du site du Bourg dans ce contexte à la fin de la 1ère moitié du Moyen-Age on peut voir qu’encore une fois, elle est intéressante.

A l’ouest, la mer encore proche permet les activités de pêche côtière. A l’est, le site se trouve en bordure de la nouvelle zone d’exploitation salicole entre la rive colmatée de la presqu’île et les coteaux de Saint-Agnant.

Aux atouts naturels décrits précédemment il en ajoutait donc un autre :  sa position près des premières salines.

Sans être un port saunier comme St-Agnant bénéficiant de sa situation à l’extrémité du grand chenal du même nom, cette orientation lui permettait de devenir un centre saunier efficient : il était possible aux exploitants, habitants du « Bourg »; d’écouler leur marchandise vers St-Agnant par le grand chenal auquel ils parvenaient en empruntant, à l’époque, depuis le village, des chemins saunerets installés sur les « taillées » (digues des salines) puis les chenaux secondaires.

On peut donc dire que depuis des temps inconnus de la mémoire historique, le lieu qui fait l’objet de cette description a été adopté par les hommes y apportant leur animation. Cependant pour cette période qui va jusqu’au milieu du Moyen-Age, il faut être prudent. Bien des réflexions sont à l’état de suppositions et celles-ci n’engagent que leur auteur. Une seconde phase de fouilles, aux alentours immédiats de l’église sur sa face nord-est, permettrait peut­-être d’infirmer ou de confirmer ces hypothèses en apportant des éléments de réponse scientifique après étude des vestiges archéologiques jusque là partiellement découverts.

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